Atelier « L’Espace, le Corps, la Voix » d’Eric Pellet à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône (Sept. 2010)

Eric Pellet – Projet d’atelier vidéo
Maison d’arrêt de Villefranche – Septembre 2010

Atelier « L’Espace, le Corps, la Voix »
« Je conçois cet atelier vidéo avec les détenus comme une expérience d’être ensemble, un laboratoire de recherche favorisé par une dynamique de groupe, mené dans le but d’une mise en images et en sons. Pensé spécifiquement à partir du lieu d’où il s’élabore, et voulu largement ouvert, il entend susciter les propositions des participants qui subissent l’inertie de la prison. En ce sens, il est réfléchi pour ouvrir une brèche dans l’immobilisme carcéral qui est vécu tant du point de vue de l’espace, que du temps, des relations, de la perception, de l’identité, de la construction de soi.
Pour autant, ce possible objet filmique qui concrétise le processus d’atelier ne traite ni de la prison, ni de ceux qu’elle enferme ; il cherche à créer une émancipation vis-à-vis du fonctionnement carcéral, il veut provoquer des déplacements et des renversements de points de vue chez les personnes détenues. À cette fin, l’atelier et le tournage utiliseront une méthodologie et des moyens appartenant à la théâtralité. À partir de la réalité pragmatique des lieux de l’atelier, il s’agit d’investir cet espace de travail, pauvre, nu et restreint, de le réinventer, de le transformer en lieu de possibles, en dispositifs utopiques. Le fait de le constituer en espace de création opère une déterritorialisation, une sortie, et permet aux détenus de se prendre au jeu.
Dans ce hors-lieu, des exercices à partir de fragments de littérature et de poésie contemporaines sont conçus comme autant de points de départ. Les thématiques explorées constituent des échos possibles, des correspondances souterraines à leur condition de détenus, mais les textes privilégiés les déplacent, les amènent ailleurs, ils créent des temporalités et des mondes. Nous tirerons parti de l’impossibilité de filmer les visages des détenus en axant le travail ainsi : des corps en mouvement, des paroles à incarner, des textes à habiter. Plus que des textes théâtraux, nous voulons privilégier des textes contemporains, des paroles poétiques, des monologues ou des récits radicaux, obsessionnels, incantatoires. La mise en voix et en corps de ces textes lus seront fixés en divers dispositifs poétiques. Sur le plan de la tonalité ces actes auront rapport à l’épreuve, à l’exorcisme, au ressassement, à la colère, à la logorrhée, à la catharsis. »

Eric Pellet
Il réalise des films — documentaires, essais, poèmes, fictions — à la charnière entre le cinéma de recherche et l’art contemporain. De manière corollaire, il fabrique des installations, des photographies, des livres, des émissions de radio pour France Culture. Il intervient à l’Ecole Nationale d’Architecture de Lyon, il enseigne la réalisation à l’Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines.