FILMER LA TRANSE

Dynamiques et poétiques cinématographiques de la transe.

Ce programme rassemble des œuvres récentes – principalement réalisées durant la dernière décennie – abordant la thématique de la transe, ce phénomène corporel et spirituel qui apparaît dans des contextes sociaux-culturels spécifiques (cultes religieux, fêtes païennes ou rites ancestraux). Dépassant l’engouement actuel pour les nouvelles spiritualités, cet ensemble de films témoigne de la diversité des pratiques artistiques et de la fécondité de leurs croisements avec des sciences telles que l’anthropologie, la musicologie ou la parapsychologie. Qu’ils soient réalisés par des documentaristes, des vidéastes, des artistes contemporains, en collaboration avec des acousticiens, des danseurs ou des anthropologues, les films choisis explorent les motifs de la transe pour en proposer une vision singulière, qu’elle soit spectaculaire, sensuelle, contemplative ou affective.

Ils se placent dans la filiation directe des travaux pionniers de Jean Rouch, Maya Deren ou Raymonde Carasco qui, alliant la rigueur scientifique de l’étude de terrain, l’expérimentation méthodologique et la sensibilité artistique, ont conçus les premiers chefs-d’œuvre cinématographiques de la transe.

À leur suite, ces œuvres perturbent les normes et les frontières du documentaire traditionnel, s’éloignent du cinéma ethnographique pour élaborer des formes inédites capables de révéler les énergies multiples des sujets filmés. Brisant nos habitudes et questionnant la place du spectateur, les artistes proposent une approche immersive et partagée de la transe placée sous le mode de la sensation.

À la découverte de ces nouveaux corps animés de forces archaïques, traversés par des intensités musicales ou spirituelles, nous voyagerons aux quatre coins du globe : de Haïti au Mexique, de l’Indonésie au Maroc et de l’Italie au Suriname. Ce parcours se compose de trois séances regroupant  treize films courts qui propageront leurs envoutements autour des axes suivants : Possessions, Visions et Célébrations.

 

  1. Possessions Jeudi 15 février – 20h00

Entre captation documentaire, mise en scène et participation active, trois rituels de possessions où les corps s’émancipent de leur matérialité, se libèrent des contraintes physiques et dépassent la douleur. Ou quand l’esprit transcende la chair…

REAK – Transe chamanique soudanaise de Julien Hairon (France, 2016, Num, 25’)
Dans les environs de Bandung à l’ouest de Java, se déroule un REAK, rituel remontant d’un passé animiste accroché à un présent urbain. Un groupe d’adolescents guidé par un chamane entre dans une profonde transe. Le chamane transforme leur état de conscience humaine par un état de conscience animale. Leurs identités changent, au point d’agir comme le ferait alors une bête sauvage.

PAPAGAIO (DJAMBI) de João Maria Gusmao & Pedro Païva (Portugal, 2014, 16mm, 44’)
Tourné dans l’archipel de São Tomé et Principe, le film montre un rituel Djambi, similaire aux rites vaudou pratiqués par les tribus d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit d’une cérémonie d’invocation des esprits ancestraux filmée dans son intégralité, en partie par les artistes puis par les participants eux-mêmes, qui ont saisi la caméra pendant leur transe.

WHIPPING ZOMBIE de Yuri Ancarani (Italie, 2017, Num, 32’)
Dans un village haïtien reculé, les influences du vaudou et les spectres de l’esclavage imprègnent le quotidien des habitants. La violence de ces héritages trouve un exutoire lors de la cérémonie rituelle du kale zonbi (« zombie fouetteur »), filmée ici pour la première fois.

 

  1. Visions Vendredi 16 février – 22h00

Description d’un pélerinage, incantations mystiques, voyage astral, invocation des esprit, spasmes des corps… Dans la convulsion des images et l’extase des rythmes, ces sept visions libèrent les puissances audio-visuelles et plastiques de la transe pour nous faire partager l’expérience de ces états modifiés de conscience.

BLUE STAG de Giulia Grossman (France, 2015-2016, Num, 10’)
Chaque année, les Huichols, l’une des plus anciennes ethnies indiennes du Mexique, quittent leur région de la Sierra Madre pour effectuer un pèlerinage de 400 km. Ils partent à la recherche du peyotl, un cactus hallucinogène servant à célébrer les cérémonies rituelles et à se reconnecter à leur divinité : le cerf bleu.

DE DENTRO de Peter-Conrad Beyer (Allemagne, 2006, 16mm > Num, 11’)
Principalement tourné au Mexique, ce film traite de la force spirituelle de ce pays, qu’on retrouve à la fois dans la nature et le peuple mexicain. C’est une tentative de portrait et d’évocation de l’atmosphère des rites chamaniques Maya et de la tradition des Huichols.

LOOKING FOR APOEKOE de Karel Doing (Pays-Bas, 2010, 16mm, 13’)
Un voyage mystérieux dans la jungle tropicale du Suriname, inspiré par l’esprit de la forêt Apoekoe. Un personnage futé qui prend différentes formes et peut aussi bien vous faire perdre votre chemin, prendre possession de votre femme que vous aider à chasser ou vous rendre invisible pour vos ennemis.

ESCIUÉ de Maricò Valente (France/Italie, 2000, 16mm > Num, 9’)
«  L’évocation d’une danse de possession au tempo de la tarantella. »

TARANTISM de Joachim Koester (Danemark, 2007, 16mm, 9’)
Reconstitution chorégraphique silencieuse de la tarentelle, une danse convulsive italienne provoquée par la morsure d’une araignée. Rejouant un état de possession, les danseurs explorent une zone limite aux croisements de la transe, du théâtre et de l’expression corporelle contemporaine.

MERE JEANNE DES ANGES de Jean-Baptiste Lenglet (France, 2008, Num, 9’)
Palindrome vidéo sur les possessions de Loudun réalisé à partir d’un plan du film de Jerzy Kawalerowicz Mère Jeanne des Anges (1961) que le cinéaste a altéré jusqu’à atteindre une interprétation formelle de l’expérience de la possession : l’image se brouille convulsivement, se contorsionne dans le regard du spectateur.

ATROPA de Peter-Conrad Beyer (Allemagne, 2008-2013, 16mm > Num, 28’)
Au cœur d’une forêt verdoyante, sur les bords d’une rivière, une chamane prépare un rituel. Elle accélère les éléments naturels l’entourant, fait intervenir des mécanismes cosmiques et crée ainsi une nouvelle cohésion énergétique. Le film opère alors une élévation de la conscience par l’usage de motifs minimalistes rendus abstraits sous l’impulsion d’un montage rapide.

 

  1. Célébrations Samedi 17 février – 18h00

Trois rencontres avec la flamboyance de rites ancestraux se perpétuant de nos jours dans différentes  régions du monde. Dans la splendeur des costumes, l’ivresse des rythmes et la joie de la fête, trois célébrations cinématographiques du mouvement et de la mémoire.

LA SCANDALEUSE FORCE DU PASSÉ de Mireille Perrier (France, 2007, super 8, Vidéo > Num, 19’)
Dans la région des Pouilles au sud de l’Italie, une fête païenne récupérée par l’Eglise a lieu. La Tarantella est la danse/transe provoquée par la morsure d’une araignée : la tarentule. Au rythme des tambourins, guitares et violons, les musiciens cherchent à reproduire le son émis par l’araignée lors de sa morsure. La croyance veut que la musique jouée permette au malade d’expulser le mal par la danse.

GNAWA de Olivier Dekegel (Belgique, 2010, super 8 > Num, 43’)
« Á la rencontre des confréries gnawa de Marrakech et de Safi, le film restitue le vécu sensoriel et poétique des possédés conduits par Maâlem R’zook, un maître du culte derdeba.

Une plongée visuelle et sonore dans l’univers magico-religieux des Gnawa du Maroc avec rituels sacrificiels et possessions. »

NATPWE, LE FESTIN DES ESPRITS de Tiane Doan na Champassak et Jean Dubrel (France, 2012, super 8 & 16mm > Num, 31’)
« Taugbyon, minuscule village du centre de la Birmanie. Lieu de pèlerinage annuel pour des dizaines de milliers de croyants. Pendant cinq jours, fidèles et médiums célèbrent le culte des nats, les esprits du panthéon birman. Cinq jours d’offrandes, de cérémonies, de travestissement, de transe et de rituels de possession. Cinq jours de liberté, dans une société verrouillée à l’extrême. »