Lettre à Galeshka Moravioff

Lettre adressée par l’association « Les Inattendus » et le Comité de soutien des CNP
à Galeshka Moravioff, lue place des Terreaux le 5 septembre 2009

Monsieur,

Il est de notre devoir de vous dire que vous avez vécu d’illusions, voire souffert de graves hallucinations. En effet, vous semblez croire que les salles CNP de Lyon vous appartiennent. C’est l’argument massue que vous avez avancé pour justifier le démantèlement et l’évacuation précipitée du CNP Odéon en pleins congés estivaux : « C’est à moi, je fais ce que je veux », avez‐vous répété sur tous les tons.

Or, il faut que vous le sachiez, Monsieur Moravioff : les CNP ne vous ont jamais appartenu. Dès lors
qu’elles relèvent d’idées, d’émotions, d’esthétique ou d’engagements moraux, les choses, pas plus
que les êtres, ne vous appartiennent sous le seul prétexte que vous avez exhibé beaucoup d’argent
pour vous les arroger, comme vous l’avez fait en 1998. Dans le cas des CNP, il aurait été judicieux que
vous compreniez à temps que ces salles appartiennent à celles et ceux qui, jour après jour et malgré
toutes les difficultés engendrées par votre gestion désastreuse, en ont assuré le fonctionnement et la
programmation : les projectionnistes, les contrôleurs, les agents de caisse, les assistants de direction
et le directeur‐programmateur, Marc Artigau, qui a tenté de maintenir vaille que vaille le cap d’une
programmation exigeante et cinéphile, aussi ardue la tâche a‐t‐elle été sous les fourches caudines
que vous lui avez imposées.

Ces salles appartiennent également, bien sûr, à celles et ceux qui, jour après jour, sont venus y
regarder des films. On les appelle des spectateurs, mais en réalité ils ont été des acteurs de la vie des
CNP comme vous ne l’avez jamais été, et ne le serez jamais. Désormais, on aimerait que les instances
publiques finissent, elles aussi, par se considérer comme des actrices possibles de ces salles. A force
de les inviter à dépasser leur timidité en la matière, on ne désespère pas qu’elles finissent par le
faire. Cet espoir est cependant tempéré par la conscience du fait qu’un problème se pose, et ce
problème c’est vous‐même, Monsieur Moravioff. Même si, en d’autres temps, ces instances ont
encouragé l’illusion selon laquelle vous pourriez être, pour filer la métaphore, un « metteur en
scène » digne de ce nom pour les CNP, elles ne peuvent plus désormais se cacher le fait qu’il est
strictement impossible de partager avec vous quelque film que ce soit.

En tout cas, sachez qu’en ce samedi 5 septembre 2009 le CNP Odéon que, dans votre délire de
possession, vous vous êtes permis de saborder, est redevenu officiellement, aux yeux de tous et ne
serait‐ce que pour une journée, la possession de celles et ceux auxquels il a en fait toujours
appartenu, à savoir l’équipe des CNP et leurs spectateurs. Quel que soit le sort honteux que vous
ferez subir aux autres sites des CNP et à leurs employés, cette seule journée suffira à affirmer
publiquement votre imposture ainsi que celle de toutes les personnes qui, au contraire de Robert
Gilbert et de Bruno Pésery par le passé, et de Marc Artigau aujourd’hui, ne se sont préoccupées de
ces salles de cinéma qu’à des fins de prestige et d’enrichissement personnels. Cette seule journée
devrait également permettre de disqualifier par avance tout discours d’une politique culturelle qui
ne garantirait pas dans le centre d’une grande ville comme Lyon non seulement l’existence de salles
indépendantes, mais aussi la continuité de la proposition cinématographique que, depuis plusieurs
décennies, les CNP sont seuls à y assurer.

Nous aurions aimé trouver une formule de politesse finale à vous adresser mais nous avons beau
chercher, nous n’y parvenons pas.

Pour l’association « Les Inattendus »
Jean‐François Buiré, président
Et le Collectif de Soutien des CNP

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